David Cronenberg

«J'ai toujours pensé que nous n'avions jamais été des créatures naturelles dans un paysage naturel. Nous créons notre propre réalité, et pas seulement dans le domaine de la technologie. Les hommes n'ont jamais accepté le monde comme donné ; ils ont toujours cherché à le changer.»

Il ressemble à ça...

( * Toronto 1943, † .... )

Réalisateur, scénariste, producteur et acteur... Différentes facettes d'un homme qui manie la caméra comme le chirurgien découpe la chair...

Certains disent de lui qu'il est l'un des meilleurs de la nouvelle génération de metteurs en scène de films d'horreur des années 70. Ses explorations de la terreur biologique et de l'appréhension sexuelle ont fourni une approche sinistrement originale du genre. Pour avoir souvent travaillé dans le registre "horreur", Cronenberg était, jusqu'à il y a peu, catalogué "directeur d'exploitation". Cependant, ses films les plus récents se sont éloignés des effets spéciaux explicites et dégoutants pour se concentrer sur les thèmes et les personnages.

Lorsqu'il était universitaire, Cronenberg réalisa deux courts-métrages expérimentaux de science fiction avant de commencer son travail de fond: Stereo (1969) et Crimes Of The Future (1970). Ses deux premières réalisations mettaient déjà en avant son gout pour l'expérimentation stylistique et sa capacité à utiliser l'espace architectural à des fins expressives. Son premier long métrage est l'efficace et stupéfiant Shivers/They Came From Within/The Parasite Murders/Frissons (1975). Dans cette représentation d'un parasite créé artificiellement qui générait d'incontrolables pulsions, Cronenberg filmait un commentaire ironique sur la libération sexuelle de l'époque. Variation sur le même thème avec Rabid (1977) où l'infortunée victime d'une opération se retrouve en proie à un appétit vampirique dans le plus pur sens du terme.

Dans The Brood (1979), un exercice de style sur l'horreur biologique, il est question d'un espèce de conte terrifiant dans lequel une certaine "mutation" peut être perçue comme une métaphore, ou plutôt une manifestation de la rage émotionelle. C'est avec The Dead Zone (1983) que Cronenberg dépasse la simple exploitation de l'horreur. Ici, l'atmosphère prévaut sur les effets spéciaux. Ce film est adapté d'une nouvelle de Stephen King qui traite des difficultés d'un homme qui perçoit les événements à venir dans l'existence des individus uniquement en les touchant. C'est la premiere fois que Cronenberg réalise un film dont il n'a pas créé le scenario original.

Videodrome (1983) est une reflexion sur les effets "pervers" de la télévision sur son spectateur. Dans ce film, il est question d'un producteur opportuniste obsédé par un obscur programme "sado-érotique" virant au snuff movie et diffusé sur une canal télévisuel pirate. Ses fantasmes, stimulés par ces emissions, passent hors de son contrôle et semblent vouloir représenter la conscience du téléspectateur moyen, accentuée par l'emphase médiatique de la violence, du sexe et du spectaculaire. Dans Vidéodrome, fantasme et réalité se cofondent au point de devenir totalement indissociable, tant pour le protagoniste que pour le spectateur. En filigrane se dessine ici l'idée, que nous serions tous, non pas manipulés, mais programmés par les média.

En 1986, Cronenberg tourne un remake de The Fly. Le héros, dont la structure atomique a été mélée à celle d'une mouche, subit une sorte de désintégration physique graduelle qui avait été vue comme une métaphore, comme un rappel au SIDA.

En 1988, Dead Ringers, un succes tant critique que commercial, vient plus ou moins réfuter l'interprétation suscitée par The Fly. Dans ce chef d'oeuvre, l'horreur biologique à laquelle nous avait habitué Cronenberg se laisse submerger par l'étude psychologique des personnages et la maitrise des couleurs, du décor et de la camera. Une chute libre à travers la drogue et la folie qui ne saura aboutir qu'au suicide, mais aussi un examen froid, quasi clinique, des appréhensions sexuelles et une critique puissante du controle patriarcal de la profession médicale.

The Nacked Lunch (1991), adaptation du roman de William Burroughs, a, pour ainsi dire, la meme structure que Videodrome mais cette fois pour traiter de la création littéraire à travers l'histoire d'un homme qui, après avoir tué sa femme, se réfugie dans la drogue et l'homosexualité. Mais ici, contrairement à Videodrome, la frontière entre fantasme, réalité hallucinatoire et réalité est très clairement marquée.

Dans Mr Butterfly (1992), qui 'sinspire d'un fait divers réel, Cronenberg prolonge son étude du fantasme, mais cette fois en mettant l'accent sur la perception par le protagoniste de la femme idéale sous la forme d'un chanteur d'opéra chinois.

Le 17 juillet 1997 sort sur les écrans le très polémique Crash. Cronenberg vient d'adapter au cinéma le réputé inadaptable roman de J. G. Ballard (Crash! 1973). L'acier y contraint des corps déconnectés de toutes émotions. Le public crie le plus souvent au scandale. Mais ici, Cronenberg poursuit un des motifs récurents de sa carrière: l'approche de l'homme fondu dans un univers technologique, l'image d'une technologie intégrée à l'homme. Chacun des protagonistes est ici marqué dans sa chair par une assimilation brutale d'un environnement mécanique. L'empreinte que les habitacles automobiles déposent sur les corps des personnages n'est peut-etre pas tant éloignée de la marque du quotidien sur l'individu. Crash est à l'image de cette société qui dépasse ses manques en espérant toujours plus, et ce, toujours plus vite.

La filmographie de Cronenberg est-elle représentative des obsessions personelles du réalisteur, ou est-elle seulement une critique ironique des peurs et de la répression qui caractérise notre soit-disant société "libérée"... Il n'a toujours pas répondu à cette intérogation de son public.



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